DÉVELOPPER L’ÉVOCATION PAR LA BANDE DESSINÉE

By | 6 mars 2014

Par Julie Breton, coach scolaire, orthopédagogue et formatrice

levocationparlabdPROBLÉMATIQUE

Imaginer dans sa tête, faire des liens entre les renseignements lus et comprendre un texte n’est pas simple, lorsque les élèves n’arrivent pas à évoquer pour créer du sens. Il ne suffit pas de dire : « Vois-le dans ta tête ! », pour que le cerveau de l’élève s’exécute. Cette évocation absente ou faible est malheureusement très présente, chez les élèves en difficulté. On la retrouve chez ceux qui vous donnent peu de détails sur ce qu’ils viennent de lire, qui ne retrouvent pas de connaissances antérieures pour attacher les nouvelles connaissances, qui font le rappel des renseignements dans le désordre ou qui n’ont pas saisi les indices menant à faire une inférence. On la remarque également chez ceux qui doivent relire le texte au complet pour trouver les réponses aux questions posées, qui cherchent des images sur les pages, qui surlignent presque tout le texte ou rien du tout et pour qui le centre d’attention est placé sur la fluidité et l’art de lire les mots sans faire d’erreur.

La question que je suis me posée il y a déjà plusieurs années est la suivante : « Comment faire pour que les élèves en difficulté développent l’habileté à évoquer ? ». En me posant ce type de question, j’ai tenu pour acquis que tous et toutes pouvaient le faire et que si cette habileté était innée pour certains, elle pouvait être apprise par les autres. C’est ainsi que j’ai commencé à questionner des élèves (doués comme en difficulté) sur leurs processus cognitifs pour bien comprendre leur réalité. J’ai ensuite testé de nouvelles stratégies et observé les résultats. J’ai ajusté, testé à nouveau, puis observé les résultats. Chaque élève avec qui j’ai travaillé a apporté sa nuance pour peaufiner la stratégie.

 BANDE DESSINÉE

Vous savez déjà que la bande dessinée est très populaire chez plusieurs élèves. Pourquoi ? Parce que les images parlent d’elles-mêmes. Il n’est pas surprenant que les élèves en difficulté choisissent ce type de lecture. On pourrait croire que c’est de la paresse. En fait, celles-ci leur permettent de voir des images qu’ils ne parviennent pas toujours à recréer mentalement. Lire un texte ou un livre sans images, pour certains, équivaut à regarder un film sans son pour d’autres ! Avec de faibles capacités d’organisation mentale, la mémoire de travail devient rapidement surchargée. C’est à ce moment que les élèves lisent sans avoir accès au sens.

J’ai donc décidé d’inviter plusieurs élèves à créer des bandes dessinées pendant leur lecture afin de les obliger à prendre des pauses et à réorganiser les renseignements à leur façon. J’ai rapidement constaté à quel point cette étape était préalable à la création d’images mentales – qu’elle me permettait donc d’accéder à leur représentation mentale. La qualité des images me permettait d’en savoir beaucoup sur mes élèves. Eh oui ! le fait de dessiner force le cerveau à s’activer.

Je dirais que cette stratégie convient davantage aux élèves du 1er cycle jusqu’au milieu de la 3e année. Par la suite, la création d’une carte mentale pendant la lecture est une belle solution.

BÉNÉFICES POUR LES ÉLÈVES

–    L’appui visuel de la bande dessinée permet de raconter l’histoire ou de résumer à l’écrit avec une plus grande facilité, plus de détails et un respect de l’ordre des renseignements. Après plusieurs répétitions à voix haute ou à voix basse, les élèves peuvent délaisser leur appui visuel et se souvenir de plusieurs renseignements, même après quelques jours – pourvu qu’on réactive le processus quelques minutes sur une base quotidienne ;

–    Les élèves n’ont pas d’autre choix que de vérifier les mots dont ils ne connaissent pas la signification, afin de pouvoir dessiner une scène ;

–    Les élèves demeurent actifs mentalement pendant leur lecture ;

–    Les élèves s’investissent dans leur tâche, car ils adorent dessiner dans la majorité des cas ;

–    Le temps mis à traiter l’information pendant la lecture est récupéré lorsque vient le temps de répondre aux questions ;

–    La bande dessinée se transfère plus facilement dans la mémoire à long terme (une image vaut mille mots !) ;

–    Lorsque les élèves sont habitués, ils peuvent faire leur bande dessinée à la maison et l’apporter en classe pour effectuer leur travail sur le texte. Certains titulaires laissent les bandes dessinées aux élèves pendant les examens. Celles-ci ne constituent pas les réponses aux questions, mais bien leur représentation mentale des éléments à maîtriser. Elles permettent aussi de comprendre pourquoi l’élève a bien répondu ou non à une question. Les bandes dessinées peuvent donc être annexées aux questions à répondre ;

–    La bande dessinée permet de se repérer visuellement avant de retrouver la réponse dans le texte. Les élèves économisent donc du temps et de l’énergie ! Ils n’ont pas à relire le texte dans son intégralité ;

–    La bande dessinée permet de faire des inférences ;

–    Elle permet aux élèves de créer une séquence d’événements dans l’ordre chronologique ;

–    Elle offre finalement la possibilité d’entamer un échange avec un pair sur le choix d’images pour un même paragraphe. Ceci permet d’enrichir ses images et de multiplier ses idées.

***

ACCORDER DU TEMPS

Qu’en est-il du temps pour faire une bande dessinée ? Il est évident que cette stratégie requiert du temps, puisqu’on demande aux élèves de traiter l’information pendant la lecture. Je crois qu’il vaut mieux prendre le temps d’enseigner explicitement cette stratégie, de laisser les élèves expérimenter tout en les guidant et de leur permettre de s’améliorer, plutôt que leur faire lire plusieurs textes et répondre aux questions sans prendre conscience de leur potentiel d’apprenant.

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